Dépression ou impuissance apprise?
Au fil des échecs, le sentiment d’impuissance nous gagne et nous tombons dans ce qu’on appelle l’impuissance apprise ou la résignation acquise! A quoi bon chercher des solutions et tenter de mettre en place de nouvelles manières d’être ou de faire? La vie nous apprend que toute tentative pour changer le cours des choses est vaine. Et donc, à force d’avoir échoué, nous devenons incapables d’imaginer comment nous pourrions influencer le court des choses ou des événements. Finalement, nous n’essayons plus rien. Nous restons bloqués dans des situations où nous sommes incapables de voir les solutions qui existent.
Paradoxalement, l’impuissance apprise peut aussi être la résultante d’une vie de “pacha””. Ceux qui vivent dans une espèce de paradis où tout est pensé pour qu’ils puissent jouir de la vie sans faire le moindre effort n’exercent pas leur pouvoir sur leur vie. Il en est de même pour ceux qui ne sont jamais confrontés aux conséquences – positives ou négatives – de leurs actes. Ils n’apprennent pas qu’ils ont un pouvoir sur leur vie. Je pense notamment à tous ces enfants et adolescents que l’on éduque dans un cocon. Déresponsabilisés, ils doivent juste se contenter de jouir de ce que les adultes mettent en place pour eux.
Symptômes
Quelles que soient ses origines, l’impuissance apprise se manifeste par des symptômes très semblables à ceux de la dépression. Tristes voire même désespérés, nous n’arrivons plus à prendre de décision. Par ailleurs, rien ne nous motive car nous ne ressentons pas de plaisir à agir ni à entreprendre. Outre le fait que notre sommeil soit agité et non réparateur, nous grignotons et mangeons trop ou trop peu et nous risquons d’abuser de substances qui nous aident à fuir cette réalité qui nous emprisonne. Tandis que certains ressassent des détails sans importance d’autres voient tout en noir et n’ont plus d’avenir. Il se peut aussi que nos émotions s’expriment de manière chaotique sans que nous parvenions à les gérer. La honte nous invite à la fuite et au repli sur soi.
Bref, notre entourage commence à se demander si nous ne sommes pas en train de déprimer. Attention cependant à ne pas nous laisser traiter comme un déprimé. Ce ne sont pas les anti-dépresseurs qui pourront nous aider à retrouver un pouvoir sur notre vie. Contrairement aux idées reçues, ce n’est pas non plus le ressassement de notre passé qui va vous aider à nous en sortir. Seules les petites actions concrètes qui ont un résultat immédiat pourront nous permettre de nous reconnecter à notre milieu et de retrouver un pouvoir sur notre vie.
Une épidémie
Le seul pouvoir – et même devoir – qui nous est reconnu est celui de consommer. Et donc finalement, aujourd’hui, notre pouvoir semble se limiter à notre seul pouvoir d’achat. Par conséquent, on comprend que l’impuissance apprise, le plus souvent soignée comme une dépression, touche de plus en plus de personnes dans nos sociétés occidentales.
La consommation comme seule réponse à nos besoins
L’être humain a besoin de plus. Il a par ailleurs besoin d’être acteur de sa vie, d’avoir des responsabilités à assumer. Dans ses gênes sont inscrits l’envie de se dépasser pour construire un avenir meilleur pour lui et ceux qu’il aime. Lorsqu’il se donne des objectifs et les moyens de les atteindre, il se sent vivant. La fierté qu’il ressent alors remplit sa vie de sens. Et tout être humain a cruellement besoin de donner un sens à sa vie, à ses actions.
Malheureusement, ces besoins fondamentaux humains ont été détournés par la publicité. Contrairement à ce que cette dernière annonce, ils ne peuvent pas être satisfaits par le seul fait d’acheter d’autant plus que nous n’avons pas le pouvoir de pouvoir tout acheter.
Un idéal surdimensionné
A en croire les médias et les articles de psychologie, coaching, management… nous sommes seuls responsables de ce qui ne va pas dans nos vies. Il suffirait de bouger plus, d’être plus positifs, d’oser entreprendre, d’avoir plus de confiance en soi, de méditer pour (re)trouver notre place d’acteur pour augmenter… notre pouvoir d’achat, et donc le pouvoir de consommer les biens et services susceptibles de combler nos besoins. Mais qu’en est-il de nos besoins d’agir, d’expérimenter, d’apprendre, de transmettre, d’être en relation?
TINA
Entre les publicités, les séries et les divertissements qui nous clouent dans notre divan, quelques flash d’actualité nous sidèrent. L’évolution du monde du travail, de nos libertés et de nos droits nous donnent envie d’intervenir, d’agir pour rappeler les valeurs humaines et les priorités. Mais à la suite de Madame Thatcher, tous nous répètent en coeur le même dogme. There Is No Alternative (TINA), il n’y a pas d’alternative! Restez dans votre fauteuil! Reprenez votre télécommande et zapper. Il n’y a rien à faire! Un tel dogme nous fait douter (à tort) de notre pouvoir d’influencer le cours des choses, l’avenir de la planète et de l’humanité. Là aussi nous sommes impuissants.
L’impuissance des dirigeants
Nos dirigeants ont profité du choc des attentats pour limiter nos libertés. La crise de 2008 dont les seuls responsables étaient pourtant les institutions financières a été l’occasion de couper dans les subventions et de détricoter le droit du travail. La “classe moyenne” qui croule sous les impôts et les charges rend les pauvres et les assistés responsables des dettes du pays. Les médias sous la pression des annonceurs et dirigés de plus en plus souvent par les milliardaires n’abordent pas les vrais problèmes. Ils nous plongent continuellement dans le doute en nous inondant d’informations contradictoires. Pour ne prendre qu’un exemple, savez-vous ce que vous pouvez manger pour respecter votre santé, la planète, les producteurs?
L’impuissance du citoyen
Le citoyen engagé échoue à faire bouger les choses et finit par se désintéresser de la politique et par se désengager. Les manifestations, les référendums et les pétitions – même lorsqu’elles sont signées par des millions de personnes – n’aboutissent plus à rien.
Les informations contradictoires que nous recevons nous divisent. Quoi que nous tentions, nous sommes quand même finalement tous coupables: coupables notamment de consommer trop d’énergie, trop de produits issus des pays pauvres (travail des enfants, déforestation…), trop de produits toxiques… Continuellement sous pression, nous nous accusons mutuellement. Face notamment au risque de précarité grandissant, on désigne l’émigré, le chômeur, l’allocataire social comme responsables de nos malheurs.
Retrouvons du sens et notre pouvoir sur notre vie
Pour sortir de cette épidémie de pseudo-dépression derrière laquelle se cache l’impuissance apprise, il est finalement temps de retrouver un pouvoir sur nos vies. Aussi petit soit-il! Voici donc quelques propositions à titre d’exemple.
Des petites actions qui ont un résultat immédiat mais aussi du sens
- Il est possible de se réentraîner à prendre de petites décisions quotidiennes et de poser des actes qui ont un effet visible immédiat: cuisiner un plat que nous aimons, aller se promener dans la nature, limiter drastiquement les heures d’écran…
- Savez-vous que lorsqu’on étudie l’enfance des personnes qui se disent heureuses, deux éléments les différencie des personnes qui se disent malheureuses: la fait qu’elles aient appris la gratitude et qu’elles aient eu des charges? Arrêtons donc de couver nos enfants et adolescents. Donnons-leur un pouvoir. Laissons-les assumer les conséquences – positives ou négatives – de leurs actes.
- En tant que citoyen, utilisons le seul pouvoir que l’on nous reconnaisse: celui de consommer. Choisissons consciemment ce que nous achetons! Boycottons les multinationales. Lorsque nous choisissons des produits sains chez les producteurs locaux qui ont notre confiance, nous retrouvons du sens, de l’enthousiasme… et de l’énergie.
- Cultiver quelques légumes – même sur un balcon ou une terrasse – permet de se reconnecter à la nature, au rythme des saisons. C’est un moyen de retrouver un pouvoir sur sa vie, de redécouvrir le goût d’une alimentation saine.
- Chercher les producteurs locaux et faire ses courses chez eux recrée du lien social et remet du sens dans la production et la consommation.
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Pour aller plus loin
Des articles
Deux livres
- Victimes d’amour: Après tout ce que j’ai fait pour toi. Edité en 2002 et non réédité. Il me reste quelques exemplaires à 20€
- Stop à l’ingratitude
Faire un bilan avec Marie-Berthe Ranwet